Tout comme le dispositif « Plus de Maîtres que de Classes » dans le premier degré, la co-intervention se construit, s’organise

A l'heure où l'institution incite à aller vers le travail collectif, et à imaginer d'autres formes d'intervention collective face aux élèves, nous pouvons nous appuyer sur un travail de réflexion déjà mené dans le premier degré avec les "maîtres +".

La co-intervention ne s’impose pas, ne s’improvise pas, elle se construit et demande certaines conditions

Tous les enseignants ont déjà éprouvé la difficulté de travailler en équipe… alors travailler en équipe, avec de la co-intervention… qui plus est sur des temps imposés !

Il serait temps d’ouvrir nos portes à ce débat pour ne pas laisser les enseignants dans les craintes, les interrogations, etc. L’enjeu n’est pas d’éviter les tatonnements et les erreurs qui seront constructifs, mais plutôt de s’appuyer sur des chemins déjà un peu débroussaillés par d’autres, notamment dans l’organisation de ces dispositifs au sein de structures « établissement ».

Le premier degré, avec le dispositif « Plus De Maîtres Que De Classes » (PDMQDC), nous offre un point d’appui évident.

Rien qu’en citant les quelques pistes d’interactions permises par ce dispositif, cela peut ouvrir des idées pour penser la co-intervention ou le co-enseignement dans le second degré  :

  • Observer un autre collègue en situation, ou prendre en main le groupe pour permettre au collègue d’observer
  • Observer les élèves pendant une séquence
  • Aider les élèves en difficulté directement pendant la séance de classe
  • Prendre en charge un petit groupe d’élèves en fonction des compétences ciblées
  • Décloisonner en lecture au sein du cycle
  • Tutorer les élèves au sein du cycle

Pour compléter ces pistes de réflexion, nous pouvons nous inspirer d’un document, coordonné par Joël Bonenfant et Annie Catelas, portant le regard et les propositions du Sgen-CFDT sur le dispositif PDMQDC : en coupant quelques passages plus ciblés « Premier degré », et en substituant le terme « Maître + » par « co-intervention » (ou « co-enseignement »), nous pouvons poser quelques lignes des revendications Sgen-CFDT second degré pour faire évoluer nos pratiques.

Le co-enseignement et la co-intervention dans un projet

Permettre une organisation pédagogique différente en appui d’un projet qui soit cohérent avec le projet d’établissement. Sans se substituer avec d’autres dispositifs ou d’autres aides.

C’est pourquoi l’enseignant supplémentaire n’est pas un spécialiste de la difficulté scolaire mais un membre à part entière de l’équipe.

Le projet implique donc que les équipes remettent en question leurs pratiques quotidiennes, partagent la responsabilité de la classe, voire remettent en cause l’organisation de l’établissement.

Enfin, il ne faut pas oublier que toute action pédagogique sera d’autant plus efficace que l’on peut associer à la démarche les parents qui sont les responsables de l’enfant, les premiers éducateurs…

Un co-enseignement ou une co-intervention dans une équipe

Travailler ensemble et de manière efficace s’apprend. Il ne faut pas avoir peur de la confrontation. C’est parce que le travail d’équipe touche le cœur de la relation pédagogique, le partage entre collègues qu’elle peut déstabiliser les habitudes de travail.

La réussite du dispositif est donc conditionnée à l’implication de toute l’équipe dans le projet.

Cela signifie que le dispositif sera d’autant plus efficace si les équipes en sont à l’initiative. Le travail d’équipe suppose un effort personnel et des compétences qui s’acquièrent, par la formation mais aussi peu à peu à partir d’une volonté de cohésion et d’organisation. C’est la réflexion collective qui permet d’adapter localement le dispositif aux besoins des élèves.

Ainsi, le pilotage ne doit pas apparaître comme un contrôle de conformité à une réponse institutionnelle au risque de devenir contre-productif. Il nécessite de faire confiance aux équipes enseignantes et de reconnaître l’autonomie des établissements. Une véritable autonomie des équipes nécessite d’avoir une structure démocratique dont les missions sont clairement fixées et évaluées.

Une équipe stable pour la co-intervention pertinente et durable

En effet, s’engager dans des projets tels que ces dispositifs AP et EPI mobilise les collègues et ceux-ci ne le feront que s’ils ont la garantie d’une stabilité du poste. Ils doivent pouvoir choisir ensemble les engagements qui leur conviennent au sein de l’équipe tout en gardant leur poste.

Le travail à mener suppose de la confiance pour apprendre à se connaître et travailler ensemble. C’est pourquoi il faut donner du temps aux collègues afin de permettre la réussite du dispositif.

Qu’il s’agisse du choix de l’accompagnement des équipes, de l’articulation de projets, du nombre d’élèves aidés ou de l’articulation des différentes aides mises en place, la réflexion doit permettre à tous cohérence et complémentarité des actions pour la réussite des élèves.

Une co-intervention, ou un co-enseignement, pour diversifier les organisations pédagogiques

Un co-enseignement ou une co-intervention dans une équipe permet de mettre en place plus aisément des pratiques pédagogiques ou organisations différentes. Cela peut avoir un impact sur l’organisation spatiale des classes, l’optimisation des outils numériques, le fonctionnement quotidien dans la classe.

Ainsi, un travail en binôme est possible dans la même classe (co-enseignement) ou une prise en charge de groupes de besoin dans des lieux différents (co-intervention). Plusieurs cas de figures sont possibles pour chacune de ces modalités, qui ne sont pas figées et peuvent évoluer au cours de l’année. La présence d’un collègue en co-intervention permet de travailler plus en atelier et proposer de multiples situations qui permettent à l’élève d’être en position d’acteur de ses apprentissages.

Dans le cadre du fonctionnement d’un cycle, une co-intervention permet de mettre en place le tutorat d’un groupe d’élèves plus réduit par un enseignant tout au long du cycle pour mieux prendre en compte les rythmes d’apprentissage des élèves.

Mais, pour le Sgen-CFDT, la question n’est pas tant de savoir si une organisation doit être privilégiée par rapport à une autre, mais bien de permettre aux équipes de co-préparer et d’arrêter les modalités d’intervention les plus efficientes.

Associer les parents

L’importance de rencontres régulières est aujourd’hui évidente pour tous les acteurs de l’école. L’élève a besoin d’être reconnu dans sa globalité en tant qu’enfant et cela passe par la reconnaissance de la place de la famille dans ses apprentissages. Les parents sont les premiers éducateurs et responsables de l’enfant. Il est donc nécessaire de favoriser au maximum les liens réguliers école – famille, d’instaurer le respect et la confiance réciproques indispensables à la réussite des élèves.

Dans le cadre des dispositifs « AP et EPI», cela nécessite de travailler en amont avec les familles pour expliquer les démarches envisagées. Le fait d’avoir des enseignants référents dans l’établissement sur plusieurs années est un élément devant faciliter le dialogue afin de créer un véritable partenariat de confiance dans la durée.

Un dispositif qui doit être pérennisé

Certains peuvent estimer qu’il suffirait de baisser les effectifs par classe pour permettre la réussite de tous les élèves. La réalité est plus complexe et la nécessité d’avoir d’autres formes de travail pédagogique est aussi importante. Les dispositifs « AP et EPI» rentrent dans le cadre de ce « travailler autrement ». Mais, pour assurer la pérennité de tels dispositifs, il est important de les évaluer pour contribuer à leur amélioration.

Pour le Sgen-CFDT, ce serait une erreur de vouloir mener une évaluation sur le court terme. Construire et mener un projet, le mettre en œuvre, l’ajuster si besoin suppose de laisser le projet aller à son terme. Par contre, il est important de clarifier dès le départ ce qui doit être évalué : le dispositif lui même, les modifications dans les pratiques pédagogiques, la réussite des élèves, le soutien aux équipes, l’impact sur le fonctionnement du service public, tous ces éléments ?

Quels que soient les objectifs du projet, l’évaluation nécessite des regards croisés : celui des élèves par l’amélioration de leurs acquis, celui des équipes enseignantes par l’impact qu’a eu le dispositif sur leurs pratiques pédagogiques, celui de l’institution pour mesurer la pertinence des accompagnements et formations mis en place. Les travaux de la recherche sont aussi essentiels pour croiser plusieurs paramètres et indicateurs.

Pour le Sgen-CFDT, il faut un accompagnement attentif et bienveillant, une formation des équipes qui doivent profiter d’un pilotage efficace tant national que local.

Donner du temps pour éliminer les facteurs de doute, voire de stress

Mais, changer ses pratiques et ses modes d’organisation nécessite du temps pour permettre de travailler ensemble, se coordonner, faire le point sur les projets en cours, échanger sur les élèves. Cela suppose que les collègues soient accompagnés, libérés d’autres tâches, et qu’ils bénéficient de formations. Dans les retours actuels des collègues, cette question de « crise de temps » est l’un des premiers facteurs de doute, voire de stress pour instaurer ces nouvelles pratiques.