Pour légitimer aux yeux du grand public le "pacte" enseignant, autre mot du "travailler plus pour gagner plus", le ministre de l'Éducation Nationale s'emmêle les pinceaux dans les chiffres, et dans la méthode.
Le Ministre a affirmé que 15 millions d’heures seraient non remplacées à cause d’absences. Mais le Ministre confond absences courtes et absences longues. Selon la Cour des comptes, les absences de courte durée représentent 2,5 millions d’heures en 2018-2019, dont un peu plus de 500 000 sont remplacées. Or c’est bien d’absence courte dans le second degré dont on parle au travers du « Pacte ». L’idée est simple et séduisante : quand un-e professeur est absent pour un ou deux jours, un-e collègue le remplace au débotté. Mais la réalité est un peu plus complexe que cela…
Les absences longues ont un impact fort
Dans le 1er degré, le remplacement est assuré dès le 1er jour dans 80% des cas par un professeur des écoles remplaçant. Sauf que sur fond de diminution de postes de remplaçants, le « remplacement » se résume trop souvent par la répartition des élèves dans les autres classes. Conséquence : moins bonnes conditions de travail, moins bonnes conditions d’apprentissage. Pour pallier à ce manque de remplaçant, les Professeur.e.s des écoles sont régulièrement interdit.e.s de formation continue. Solution radicale mais peu pertinente pour un métier déjà peu attractif…
Dans le 2nd degré, les absences de plus de 15 jours sont souvent remplacées par des collègues remplaçants, mais de moins en moins… Il faut dire qu’il n’y a quasiment plus de personnels disponibles pour des remplacements en cours d’année. La pénurie d’enseignant.e.s a des conséquences. Or on constate que ce sont les remplacements longs, voire très longs non assurés, qui ont le plus d’impact sur les parcours scolaires.
Pourquoi ne remplace-t-on pas mieux dans le second degré ?
L’enjeu du pacte est donc le remplacement de courte durée dans le secondaire. Nous avons écrit une tribune sur le sujet il y a peu : il est fondamental de mieux remplacer les enseignant-e-s absent-e-s. C’est un gage de meilleur réussite des élèves, de continuité, mais aussi de climat scolaire. Mais alors, pourquoi cela n’est pas le cas ?
L’une des premières raison est la charge de travail qui a considérablement augmenté. Quand on a supprimé des postes dans le 2nd degré, on a transformé les postes en heures supplémentaires parce que le nombre d’heures de cours n’avait lui pas bougé. Or, plus on a d’heures sup, moins on a de temps pour assurer les remplacements courts, comme nous l’écrivions dans cet article.
Par ailleurs, assurer un remplacement efficace demande de réfléchir à une organisation pertinente au sein de l’établissement. Or les équipes sont essorées par des changements d’organisation incessant depuis des années.
Quelles revendications ?
Depuis plusieurs années, le Sgen-CFDT demande un diagnostic clair sur les absences et leur remplacement. Et il faudrait le faire à hauteur d’élèves : combien d’heures de cours perdues par un.e élève ? Pourquoi sont-ce les élèves des établissements aux indicateurs sociaux les plus faibles qui perdent le plus d’heures de cours ? C’est bien à cette question des remplacements longs non assurée qu’il faut s’atteler en priorité.
Par ailleurs, les absences courtes seront réduites avec une politique de prévention et de santé au travail digne de ce nom. Aujourd’hui, il n’y a qu’un médecin pour 16 000 agents à l’Éducation nationale.
Enfin, pour assurer le remplacement de courte durée, il faut réduire la charge de travail. Cela passe notamment par des embauches d’enseignant-e-s pour réduire la part des heures supplémentaires, mais aussi de personnels médicaux-sociaux, éducatifs et administratifs pour accompagner les équipes dans le suivi des élèves.