Les derniers revirements en matière de gestion de l'épidémie placent une fois de plus les personnels dans une situation impossible, en proie à des injonctions contradictoires et au décalage entre la communication ministérielle et la réalité.
Le chef de l’État et le ministre s’étaient placés, et avaient placé l’Éducation Nationale, dans une telle situation qu’il ne pouvait y avoir de bonne solution lors de l’annonce présidentielle du dimanche 14 juin.
D’un côté le protocole ne cadre plus avec la réalité de l’épidémie, met la société fortement sous tension, expose et épuise l’ensemble des personnels. Combien de temps l’école peut-elle appliquer des règles sanitaires qui ne s’appliquent plus qu’en son sein ?
De l’autre, en finir avec le protocole c’était remettre l’ensemble de la machine sous tension, reconnaître l’absurdité de certaines mesures mais aussi donc du travail qui a été demandé aux personnels et jeter par la fenêtre tout ce que ceux-ci avaient consciencieusement préparé et mis en place depuis des semaines.
Entre ces 2 mauvaises solutions le chef de l’État a heureusement réussi à en trouver une pire et il semble que chaque heure qui passe on en découvre un peu plus l’ampleur. Ce sera donc le retour de « tous les élèves » mais tout en gardant un « protocole allégé ». Une double injonction impossible à tenir.
Reprendre tout à zéro
On demande une fois de plus l’impossible aux personnels. Ils doivent toutefois se féliciter d’avoir cette fois-ci 6 jours pour le réaliser (et puis non, 5 finalement, puisque le protocole ne sera pas publié avant le 17 juin) tout en continuant à assurer la continuité pédagogique en présentiel et/ou en distanciel. Et on ne va pas s’étendre ici sur les subtilités du « mètre latéral » et de ce qu’il dit de la manière dont notre ministre envisage une salle de classe.
Il faut donc tout reprendre. Une fois de plus. Redisposer les salles de classe en fonction des nouvelles contraintes de distanciation. Une fois de plus. Revoir les procédures. Une fois de plus. Recontacter les familles en leur expliquant à la fois que le retour est obligatoire et que l’on n’est pas certains de pouvoir les accueillir. Une fois de plus. Réorganiser le service des personnels. Une fois de plus. Et encore mille autres tâches auxquelles, semble-t-il, on n’avait, au sommet de L’État, pas vraiment pensé. Une fois de plus.
Quel sens donner à tout cela ?
Le tout, pour seulement deux semaines de cours. Deux semaines et puis plus rien. Deux semaines durant lesquelles chaque année il se passe généralement, notamment dans le second degré, bien autre chose que des cours. Car il y a par ailleurs des examens, quand bien même ils sont en contrôle continu, dont la lourdeur et les absurdités administratives épuisent les équipes et surtout une rentrée à préparer.
Et quelle rentrée! Celle-ci ne pourra cette année être la même que d’habitude. Il faudra, encore davantage, renouer les liens avec l’école, retisser les fils distendus de la scolarité. Or la préparation de cette rentrée capitale prend énormément de retard.
Des personnels épuisés
Les multiples revirements, le décalage constant entre la communication et la réalité, épuisent considérablement les personnels et les familles et empêchent de se projeter à long terme là où c’est plus nécessaire que jamais. Il faut entendre la colère de beaucoup des collègues depuis dimanche soir. Des collègues souvent expérimenté.e.s, extrêmement impliqué.e.s. Notamment celles et ceux-là même qui ont travaillé à mettre en place ce protocole de l’impossible et à qui l’on dit, alors que la situation semblait se stabiliser et couler vers des vacances plus que nécessaires : « on oublie tout, on recommence ». Nous pensons particulièrement aux directrices et directeurs d’écoles, aux chefs d’établissement. Pour celles-là et ceux-là, déjà bien éprouvé.e.s, cela semble être la goutte de trop et leurs vases sont pourtant grands.
Nous mesurons bien la complexité de la situation sociale, économique et sanitaire. Nous ne pensons ni que la situation est facile à gérer, ni qu’il y aurait une solution évidente. Mais il nous semble, en tant qu’organisation de défense des personnels, de tous les personnels, qu’il est essentiel de dire qu’il n’est pas convenable de les traiter ainsi. Tout simplement.
Dans cette pagaille, rarement connue à l’échelle de l’Éducation Nationale, il est difficile d’y voir clair et d’agir d’une manière qui soit à la fois utile et responsable. Construire une mobilisation qui ait du sens et ne soit pas contre-productive demande du temps. Une chose est cependant certaine pour nous : dans les jours qui viennent nous serons, tout en étant conscients de nos responsabilités, derrière les personnels que nous représentons.