Réforme des lycées : de nouvelles pistes

La rentrée 2019 dans les lycées généraux était très redoutée, mais s’est plutôt bien passée grâce à l’engagement des personnels de direction et des équipes. Vient le temps de l’ingénierie pédagogique et de l'intelligence collective pour faire de cette réforme un outil au service des élèves.

Quand elle a été travaillée collectivement, que toutes les déceptions sur l’impossibilité d’ouvrir une spécialité ont été dépassées, les craintes sur la faisabilité des emplois du temps levées, quand toutes les questions ont pu trouver un début de réponse, cette rentrée s’est plutôt bien passée.

Cependant beaucoup de questions surgissent. Certes, le temps d’appropriation d’une réforme est long, mais débuter l’année sans en connaître ses termes exacts fragilise les équipes pédagogiques et angoisse les élèves et les familles. Les lycées ont besoin de dégager du temps pour travailler collectivement et repenser des formes d’enseignements et d’accompagnement à l’aune du parcours personnalisé de l’élève.

 

Pas de temps de concertation

La concertation entre membres des équipes pédagogiques n’a pas été prévue… Cela ne peut que nuire à la réforme. La faisabilité du respect des choix des élèves et les conditions de travail de ces derniers comme de leurs enseignant·es est le point qui a occulté tout le travail pédagogique qui reste devant nous. Si le choix des spécialités par les élèves va être un élément porteur de réussite, quelles vont être néanmoins les nouvelles formes de décrochage/ raccrochage et comment l’AP va-t-il y remédier ?

 

Le grand chantier à venir : le suivi du parcours.

Il ne faudrait pas que le calendrier dictée par l’administration sur le contrôle continue ne verrouille les pratiques pédagogiques. L’autonomie de l’établissement et les possibilités d’expérimentation qu’offre la loi pourraient être la marge de manœuvre la plus intéressante.

Parallèlement, la question du lien avec le supérieur est régulièrement soulevée par les enseignant·es en conseil pédagogique : le choix de la spécialité qui sera abandonnée par les élèves en terminale ne peut seulement se fonder sur leur réussite dans telle ou telle spécialité. Ce choix doit être cohérent avec la poursuite d’études envisagée, et les attendus de l’université sont importants à connaître.

Autre source d’inquiétude : l’orientation plus massive des élèves en voie générale. Seule la filière STMG est restée constituée du même profil d’élèves. Mais il en va tout autrement pour la filière ST2S délaissée au profit du trinôme SVT – SES – LLCE ou HGGSP, un profil nouveau d’élèves à qui manquera l’enseignement sanitaire et social pour certaines poursuites d’études.

Il ne faudrait pas qu’à nouveau des spécialités soient plus discriminantes que d’autres.

De plus des enseignants pourraient, légitimement ou non, être tentés de pousser leurs élèves à continuer telle ou telle spécialité par crainte de voir des postes disparaître. Ainsi, comment travailler avec les élèves leur projet d’étude individuel quand on est en rivalité avec d’autres disciplines et que cela devient un enjeu personnel ?

 

De nouvelles formes d’accompagnement.

Sur les terrain, les équipes réfléchissent d’ores et déjà à de nouvelles formes d’accompagnement. En ce qui concerne les conseils de classes et le rôle du « professeur principal », des propositions émergent.  Dans certains lycées, le passage en semestres se met en place.

Les conseils pédagogiques, çà et là, s’emparent de cette problématique. Ils proposent que les enseignant·es travaillent sur les modalités d’accompagnement et de suivi des élèves en 1ère Générale. Aussi, des solutions se dégagent : par exemple 2 ou 3 professeurs référents par division pour suivre les résultats, les questions personnelles, les questionnements sur les spécialités poursuivies ou non en Terminale… Des professeurs de spécialité sont également référents quand ils ont plus de 10 élèves d’une division dans leur groupe de spécialités.

D’autres solutions remontent du terrain : la mise en place de groupes multi-âges composés de 12 élèves maximum. Ces groupes sont suivis par un enseignant référent sur une ou plusieurs années. Ce dispositif doit permettre un meilleur accompagnement de parcours et une prise en compte plus globale de l’élève.

Dans tous ces dispositifs, selon les besoins, des réunions de mi-semestre sont prévues : un professeur référent + un personnel de direction (ou CPE volontaire par délégation) + un·e ou deux enseignant·es de spécialités ou de tronc commun, qui connaissent les élèves. La présence des parents dans ces réunions est prévue. Parallèlement, sont rencontrés par le professeur référent les élèves qui ont des difficultés, pour envisager méthodes de travail, travail personnel, stress, projet de formation, etc.

Cela permet l’abandon des réunions parents-professeurs « traditionnelles » et rend le travail plus collectif et plus profitable à l’élève. Mais cela demande plus d’organisation pour ces rencontres d’équipes ou personnalisées. Des bulletins mensuels demeurent accessibles aux professeurs référents et aux familles.

Les conseils de semestre se déroulent à un rythme de 2 divisions par soir. Tous les enseignants de spécialité et de tronc commun sont invités à y participer. Des conseils autour des seules spécialités ne sont pas envisageables étant donné l’éparpillement des élèves dans les groupes de spécialités…

 

Pas de rémunération des enseignants-référents.

Les réticences chez les collègues enseignants vient de la compensation car l’ISOE – part modulable (c’est-à-dire la prime PP) sera de fait divisée par deux pour les enseignants référents… Quant aux enseignants de spécialité, ils seront en première ligne pour les conseils en orientation sans véritable formation, ni encore, de compensation sous forme d’indemnité ou de décharge horaire.

Le Sgen-CFDT revendique donc l’octroi, pour les personnels concernés, d’une véritable indemnité ou d’une décharge horaire visant à compenser ce surcroît de travail.