Le ministre de l’Éducation nationale a annoncé le report d’un an de la révision de la carte de l’Éducation prioritaire pour permettre à la mission Mathiot/Azéma de présenter un rapport sur « les politiques territoriales ».
Un sujet urgent reporté à plus tard
Faire patienter encore ceux qui ont le plus besoin du soutien des politiques publiques de solidarité semble être devenu la méthode gouvernementale. Pendant que des experts réfléchissent, surtout ne pas tenter d’améliorer l’existant ? Comme si la situation dans les REP/REP+ était satisfaisante : des écoles « orphelines », une dégradation territoriale des indicateurs socio-économiques des populations, une éternelle attente d’actualisation de l’arrêté de 2001 qui définit la liste des établissements « politique de la ville ».
Et au passage, toujours le même oubli sur le sujet des lycées en éducation prioritaire, non tranché par le gouvernement précédent : les personnels de ces établissements sont sur des situations « transitoires » très incertaines ; leurs primes par exemple ne sont reconduites que pour cette année scolaire !
Une confusion sur les sujets à traiter
En intégrant les problématiques du milieu rural, le ministre lie des situations qui méritent d’être traitées, mais de façon différente, et envoie un signal brouillé aux populations et aux personnels concernés. La situation d’exclusion que vivent les populations des milieux ruraux et les solutions en terme d’accès à l’École ne sont pas les mêmes que celles des élèves vivant dans des territoires décrits par Jean-Louis Borloo comme « oubliés de la République ». Le risque est grand de dissoudre l’Éducation prioritaire, également laboratoire pédagogique, dans une politique territoriale trop vaste.
Ne pas se tromper de sujet éviterait de se tromper sur les solutions !
Une méthode « rituelle » qui provoque le doute sur son efficacité
La méthode retenue est désormais classique de ce gouvernement : faire produire des rapports en temps extrêmement limité par des personnalités reconnues, puis imposer une réforme qui dans les faits ne reprend ni l’esprit ni les pistes proposées dans ces rapports. On peut citer notamment les rapports rapport Villani sur les maths, Mathiot sur le lycée, Borloo sur la banlieues, Marcon/Calvez sur la voie professionnelle… À chaque fois les objectifs affichés sont finalement oubliés, et les noms des personnalités utilisées comme caution de mesures plus ou moins bancales.
Faute de mieux, financer l’Éducation prioritaire, et améliorer les conditions de travail des personnels
En attendant il est nécessaire d’assurer une continuité des politiques publiques de façon à ne pas désespérer encore un peu plus les habitants de ces territoires. La dernière refondation de l’Éducation prioritaire date de 2015 : y a-t-il urgence à une remise à plat ? Le dédoublement des classes de CP et CE1 en REP+ ne peut être la seule mesure pour permettre aux enfants de ces territoires d’obtenir un niveau de culture, de compétences et de connaissances satisfaisant au regard de celui des enfants scolarisés ailleurs.
La discrimination positive est la méthode qui faute de mieux permet de ne pas creuser les inégalités.
Pour le Sgen-CFDT, aujourd’hui, il est donc indispensable de garder une politique éducative de discrimination positive pour certains territoires qui cumulent les difficultés socio-économiques. Ces établissements en « Éducation prioritaire » méritent des moyens supplémentaires pour mieux accompagner les élèves parce que la justice sociale, c’est bien aussi la solidarité nationale et un levier collectif. Cela est indispensable pour éviter de renvoyer sur l’élève seul la responsabilité de son échec, sans tenir compte du contexte dans lequel il vit.
Prendre le temps de résoudre une problématique complexe qui concerne une multitude d’acteurs
Comment penser l’Éducation prioritaire comme un élément de politique publique dans un ensemble plus large pour agir efficacement auprès des élèves de ces territoires ? Qu’est ce que l’Éducation prioritaire ? Qui est concerné ? Quels sont les objectifs et limites d’une politique de discrimination positive ? Quels indicateurs ? Doit-elle relever d’une logique de zonage territorial ou de portage ? Quels effets induits de cette priorité budgétaire sur d’autres politiques publiques ?… Autant de questions qui ne peuvent être résolues qu’avec les acteurs.
Or, ils sont nombreux, et leurs contraintes et priorités parfois divergentes : plusieurs ministères sont concernés, mais aussi les collectivités territoriales. Et pour faire le tour de la situation il faut aussi prendre en compte la réalité des usagers et des professionnels « de terrain ».
Pour le Sgen-CFDT, face à cette complexité, proposer une allocation de moyens « différenciés » ne saurait tenir lieu de politique publique.
Il est fondamental d’être sur un temps long pour traiter l’ensemble des problématiques. Il serait pour cela inconséquent de tourner le dos à ce qui a été mis en place par le gouvernement précédent : le temps du bilan est indispensable, et il faut le faire maintenant !