Le scandale de l’école inclusive

Un directeur d'école, coordonnateur d'un Pial à Lyon, témoigne de la difficulté de la mission, des entourloupes de l'administration, et du manque de moyen pour réussir l'école inclusive.

Le PIAL est un pôle de gestion des Accompagnant-e-s des Élèves en Situation de Handicap (AESH). Ils sont pilotés par des principaux de collèges et-ou des directeurs d’école. Les chiffres sont variables, mais ils répartissent environ 50 AESH sur une dizaine d’établissements scolaires, pour accompagner une centaine d’enfants.

Aucun temps de travail pris en compte

Notre collègue responsable de PIAL a accepté de prendre ses fonctions alors que les autres directeurs de la circonscription s’y refusaient devant l’indigence de « l’émolument » versé (autour de  1250€ brut par an). L’administration ne propose aucun temps supplémentaire : ni temps de secrétariat, ni temps d’adjoint accordé pour régler des tâches administratives. La seule aide proposée est un éventuel service civique, sauf qu’ils sont très difficiles à recruter.

Au cours de l’entretien, il nous présente des tableaux qu’il doit mettre à jour et qui étaient autrefois gérés par l’Administration au niveau académique.  Les tableaux  compilent les AESH et leur temps de travail, les écoles concernées, les élèves concernés, le temps de prise en charge défini par la MDPH ainsi que celui défini par l’administration. Il s’agit pour le coordonnateur de PIAL, en accord avec l’Inspection et le responsable du PIAL du collège de secteur de coordonner l’ensemble de ces données.

Les chiffres ne tiennent pas compte de la réalité

Pourtant, difficile de faire un travail de qualité avec des données erronées.

Pour commencer, il faut noter que les notifications de la MDPH évoluent au cours de l’année. En effet, le travail de la communauté éducative permet de déceler des difficultés et d’orienter les familles vers la MDPH. Or l’administration ne réajuste pas ces heures au cours de l’année malgré les demandes qui vont affluer : la base est celle de septembre, point barre.

Par ailleurs, les AESH ont des contrats de durée variable, mais souvent de 26h. L’administration compte alors 26h d’accompagnement. Mais, en primaire, les enfants n’ont que 24h de classe. Ainsi, un-e AESH affecté-e en primaire est comptabilisée comme 26h de « moyens », alors qu’il ou elle ne pourvoit qu’à 24h de notification MDPH. Les AESH concernées participent bien à l’inclusion des élèves sur 26h (accueil, réunions…) mais seules 24h le sont pour une notification MDPH. À l’échelle d’un PIAL, c’est rapidement un temps plein complet qui est effacé.

 

Un exemple en chiffres

Imaginons un PIAL aux besoins simplistes :

    • 20 enfants notifiés à 13h/semaine en collège (total de 260h),
    • 26 enfants notifiés à 12h/semaine en école (total de 312h) .

Cela fait 572h d’accompagnement. Le rectorat affecte donc 22 AESH à 26h. Mais les moyens utilisés sont 260/26=10 AESH pour le collège et 312/24=13 AESH pour les écoles.

L’administration donne donc un droit de recrutement de 22 AESH dans le PIAL, alors qu’il en faut 23 : il manque donc un-e AESH !

Il faut ajouter à cela que les AESH qui démissionnent ou qui sont en congé ne sont pas remplacé-e-s et leurs heures restent comptabilisées comme des « moyens ».

Des conséquences néfastes, mais des opportunités

Les élèves ont deux types d’accompagnement : soit l’aide est « mutualisée », donc variable (l’AESH accompagnera plusieurs élèves), soit elle est « individuelle » donc fixée. Aussi, quand le PIAL se retrouve sous-doté, ce sont les enfants avec une aide mutualisée qui sont les premiers perdants. Il n’est pas rare que ces enfants se retrouvent avec moins de 3 heures dans la semaine d’accompagnement.

Dans l’académie de Lyon, nous avons souvent interpellé le Rectorat sur les PIAL (lire par exemple ici). Les AESH témoignent largement quant à la gestion déshumanisée des moyens humains. Pourtant, faut-il supprimer les PIAL ? Sans autre proposition d’organisation, et sans plus de moyens, cela ne changerait pas grand chose.

Le Sgen-CFDT plaide depuis leur mise en place pour que les PIAL dépassent le rôle de gestion des AESH. Nous militons pour de véritables Pôles Inclusifs qui permettent la formation, le remplacement, mais aussi l’accompagnement des personnels d’accompagnement. Nous souhaitons par exemple :

  • Demander à l’administration un réajustement des dotations en janvier
  • Créer un pôle de remplaçant pour les AESH qui partent en congé maternité
  • Une enveloppe horaire à la rentrée plus importante que nécéssaire, pour proposer des ajustements
  • Pérenniser les AESH en leur donnant une réelle formation et des perspectives de carrière…
  • Organiser une réunion de pré-rentrée sur le fonctionnement du PIAL afin de présenter la situation du PIAL, son organisation, sa coordination, son fonctionnement…
  • Accorder un temps de décharge supplémentaire aux personnels exerçant cette fonction

Être au plus près du terrain en déconcentrant la répartition des moyens est un objectif louable. Mais si c’est pour faire reposer la gestion de la pénurie au local, le Sgen-CFDT dit non.